Est-ce qu'il avait envie de sacrifier sa soirée nouilles chinoises / télévision pour aller se geler les fesses dans une salle des fêtes municipale pour regarder des gus se prendre pour Sean Connery ? Non. Est-ce qu'il avait le choix ? ... Non, pas vraiment. Parce que c'était une occasion trop belle de voir lesquels des habitants étaient le plus attachés à ces légendes ridicules, pour repérer les possibles frappadingues ayant décidé de faire des blagues d'Halloween aux touristes autrement que la nuit du trente et un octobre. Alors il essayait de le prendre de ce point de vue là pour se motiver : s'il y allait il trouverait une piste, s'il trouvait une piste il résoudrait ce merder, s'il résolvait ce merdier il rentrerait chez lui, fin de l'histoire. Ce qui ne voulait pas dire pour autant qu'il était obligé de s'exécuter de bonne grâce et sans montrer à quel point assister à ce spectacle de kermesse le barbait au plus haut point ... Parce que vraiment, il fallait aimer se rendre ridicule pour oser monter sur scène déblatérer des sornettes. Laissant la voiture de côté puisque pour une fois depuis le début de ce foutu hiver le temps s'y prêtait, il avait donc quitté le Barn à pieds et marché sans se presser le long du trottoir, croisant de temps à autre un groupe de personnes bien trop enthousiaste à son goût et gambadant à l'évidence dans la même direction que lui. A leur décharge, c'est vrai qu'on ne devait pas avoir souvent l'occasion de s'occuper un soir de week-end, dans ce trou à rats ... sauf si l'on était un alcoolique bedonnant dont la marque des coudes était déjà profondément ancrée dans le bois d'un des comptoirs de bar du coin. Ce que Lawrence n'était pas, dieu merci, il préférait encore se farcir cette soirée tombola, kermesse ou il ne savait plus quoi. Théâtre, pardon. Arrivé à destination il avait d'ailleurs pu se rendre compte que le cas était le même pour bon nombre d'habitants de la ville ... Il ne savait pas trop si c'était triste ou non à vrai dire, qu'aucun d'entre eux n'ait mieux à faire de sa soirée, mais soit. Ses yeux se posant machinalement sur le buffet non loin de là, il avait eu le loisir de se rendre compte que bon nombre des nouveaux arrivants allaient y déposer quelque chose à leur tour, quand lui s'était contenté d'arriver les mains vides ... Mais il ne pensait pas que c'était véritablement sérieux, quand ils disaient de ramener quelque chose. Il avait plutôt vu ça comme une formule de politesse, ou presque, et ne s'attendaient pas à ce qu'en petits citoyens modèles beaucoup aient suivi les directives au pied de la lettre. « Affligeant. » Presque aussi affligeant que le fait que le londonien était, comme tout le monde pouvait le remarquer, encore une fois d'une humeur de chien. Il n'en revenait simplement pas que ses talents de détectives se perdent à croupir dans un endroit pareil ... alors qu'il y avait tant de choses à faire dans la capitale, tant de choses qui nécessiteraient ses compétences. Au lieu de ça il était là, à observer les uns et les autres, cherchant presque méthodiquement ceux qui cumulaient le défaut d'avoir l'air content d'être là, et d'avoir l'air suspect. C'était des plus subjectif, l'air suspect, mais parait-il qu'un flic apprenait à renifler ses choses là avec réussite. « Dites-moi, ce ... hm, ce spectacle, là ... c'est avec des mouflets ? Parce que si oui je risque d'avoir besoin d'un verre plus vite que prévu. » n'avait-il finalement pu s'empêcher de commenter, à l'intention de la personne qui se trouvait à sa droite et sur laquelle il n'avait pas encore pris le temps de poser les yeux. C'est que tous les habitants de ce patelin se ressemblaient à ses yeux, alors il ne faisait jamais trop attention.

Je devais avouer que cette façon de profiter des événements pour quelques soirées n'était pas forcément la meilleure idée pour calmer ceux qui ne se sentaient pas en sécurité. Mais ils n'allaient quand même pas avoir peur d'une petite pièce de théâtre suivie d'un concert ? Les soirées dans ce genre manquaient trop à Killin. Si cela ne tenait qu'à moi, il y en aurait une chaque week-end pour que tout le monde puisse profiter notre patrimoine. Mais bon, le budget ne suivait pas vraiment... Et au final, on profitait bien mieux des choses quand elles étaient plus rares non ? En tout cas, l'idée de mettre en scène la légende du château était excellente. Cette histoire était tout aussi triste que fascinante. Qui n'était pas allée voir au moins une fois s'il n'entendait pas quelque chose dans l'obscurité ? Bon d'accord, je l'avais fait en journée et pas la nuit mais bon, ça compte quand même.
Afin de participer à l'organisation de la soirée, j'avais promis d'apporter un ou deux plats de toasts. Ce n'était pas très recherché, mais c'était bien plus pratique à déguster. Et puis, on n'était pas non plus à la soirée la plus glamour du siècle, pas la peine d'en faire trop. Chose promise chose due. Je m'étais attelé à la tache en fin de journée pour que tout soit fin prêt juste avant de partir. Une petite douche, une tenue des plus simples et me voilà prête à rejoindre le McLaren Hall. Comme la quasi totalité du village, je décidai de m'y rendre à pieds, tout simplement. J'espérais juste ne pas croiser mon locataire londonien insupportable... J'aimais bien rire de sa situation, mais certains jours je préférais de loin ne pas entendre sa mauvaise humeur perpétuelle. Ce n'était pas possible d'être aussi désagréable tous les jours... Il rendrait son existence bien plus aisé s'il rigolait un peu. Il ne croyait pas aux légendes prenant vie ? Moi non plus, et beaucoup d'autres dans le village, mais on s'amusait de la situation quand même !
Lorsque j'arrivai, une bonne partie des personnes intéressées étaient déjà dans la salle. Comment ça j'étais en retard ? J'avais horreur d'entrer dans une salle remplie, alors dire bonsoir à tout le monde, etc... Arg. Je décidé donc de laisser mon plateau de toasts sur le bar, d'aller choisir ma place et de saluer rapidement ceux que je connaissais. Un petit signe de main pour les uns, un sourire pour les autres ou bien quelques mots pour les plus chanceux. J'étais pressée que tout commence, mais surtout que la scénette prenne fin pour apprécier le concert suivant. Avec un peu de chance je trouverais même quelqu'un à qui discuter en attendant.